L’entrainement fluide du Systema : une alternative à l’entrainement par conditionnement
(Partie I&II) Publié le 05/05/2011 par alexandresystema
par Kevin Secours Source : Integrated Fighting Systems
Traduit par Alexandre Jeannette
Introduction
Au cours des vingt cinq dernières années plus de choses ont été comprises sur le cerveau humain que dans toute l’histoire humaine. De nouvelles découvertes sur les processus d’apprentissage, des recherches sur la survie en situation violente et des études sur les effets psychopathologiques liés au fait de blesser des membres de notre propre espèce ont modifié la manière dont est maintenant perçu l’entrainement pour le combat.
La naissance des arts martiaux russes
Les arts martiaux de l’ancienne Russie ont été forgés dans les feux de l’adversité, dans une terre vaste et inhospitalière à la géographie et aux climats variés. Trouvant leurs racines plusieurs millénaires avant la naissance du Christ, les premières incarnations [de ces arts n.d.t] ont existé comme autant de pratiques éparses parmi les communautés guerrières Slaves. Au début du VIe siècle de nombreux ennemis ont commencé à assiéger les frontières russes, provoquant une évolution dans le développement de ces arts. Parmi les envahisseurs les plus notables, Bata Khan mena en 1237 une occupation de la Russie qui dura jusqu’à la fin du XVe siècle, sensibilisant les premiers guerriers à de nouvelles stratégies militaires et de nouvelles armes (Shillingford, 2000:21). Les premiers maitres russes apprirent une vérité toute simple au cours de ces altercations : un combat est une situation chaotique qui implique un nombre infinis de défis et d’opportunités. La manière la plus efficace de préparer un individu à survivre ne peut se faire qu’en développant son adaptabilité, sa créativité et son autonomie. Puisqu’il n’y avait aucun moyen de prévoir comment un ennemi allait attaquer il ne pouvait pas exister une technique ou un style qui pourrait garantir la survie (Vasiliev, 1997, p14). L’absence d’une armée au sens propre renforça ce besoin d’adaptabilité. Les guerriers étaient des « civils » et ces combattants avaient besoin d’un art facile à apprendre et qui ne les détournerais pas de leurs tâches quotidiennes, qu’ils soient fermiers, chasseurs ou marchands. Le résultat fut une emphase sur les mouvements naturels du corps plutôt que sur des formes plus complexes ou la mémorisation. La géographie joua également un rôle majeur en termes biophysique en renforçant les mouvements naturel. Alors qu’à la même époque les artistes martiaux orientaux tendaient à employer des postures qui étaient plus fixes et stables, en réponse aux terrains montagneux où ils étaient nés, les guerriers Russes était plus vifs et irréguliers dans leurs mouvements. De plus, l’importance sociale des positions accroupies et à genoux en Orient nourrirent une perception différente du centre du centre du corps en le plaçant juste sous le nombril. En comparaison, les conditions en Europe demandaient moins de stabilité. La perception de ce centre de gravité à un point plus élevé, oscillant entre la base du nombril et le plexus (que les russes nomment « centre de gravité flottant ») encourageait des mouvements pendulaires du torse avec un déplacement proche de celui que l’on peut trouver dans le patin à glace (Vasiliev 1997:7, 15-17). Le but des arts martiaux Russes a toujours été de maximiser sa biomécanique au dépend de celle de son agresseur. Guidé par ce simple objectif ces arts ont continué à évoluer au cours des générations, passant de père en fils, empruntant aussi bien à ses voisins qu’à ses ennemis (Vasiliev, 1997:17). Leur histoire connue un nouveau tournant en 1917, quand le gouvernement Communiste tout juste installé interdit publiquement la pratique de tous les arts martiaux traditionnels dans l’espoir d’éliminer les racines du nationalisme au sein de son peuple. En dehors de ces efforts publics le gouvernement ne pouvait nier l’efficacité brute des styles de combat nationaux. En secret ils travaillèrent à assimiler les diverses traditions culturelles dans un unique style hybride. En 1918 Lénine fonda une organisation dirigée par le camarade Vorosilov afin de rechercher et d’expérimenter avec les arts martiaux russes et étrangers. A cette fin, des équipes d’investigateurs parcoururent le monde pendant que le gouvernement dévouait sans relâche ses efforts à tester et raffiner son savoir traditionnel, augmentant son efficacité en incluant l’usage d’armes et de tactiques modernes. Au bout du compte, plus de 25 styles de combats à mains nues russes furent intégrés dans un art hybride et réservé exclusivement à l’élite de la Voiska Spetsialnogo Naznachenia, les forces spéciales russes dites « Spetsnaz ». C’est dans l’arène du monde réel que la puissance des anciennes traditions du combat russe fut de nouveau connue du monde. Ses pratiquants nommaient cet art hybride le « Systema » ou Système (Shillingford, 200:21).
La science de la survie
Nous sommes conçus pour survivre. L’évolution a ancré en nous un système de protection personnel complexe qui nous accompagne partout. La fonction de ce système réflexe dépend de notre perception d’une menace donnée. Même si nous savons désormais beaucoup choses sur les effets de la peur nous en savons peu sur ses origines. Un des pionniers de la recherche sur les causes de la peur, le Docteur Joseph Ledoux de l’université de New York, nous dit que la peur suit un circuit neurologique. Les stimuli de la peur sont absorbés via les yeux, les oreilles et les autres organes sensoriels qui envoient cette information à la partie du cerveau connue sous le nom de thalamus. Là, s’il dispose du temps nécessaire, le cerveau créé rapidement une image de la menace dans notre esprit, interprète cette image et produit une réponse appropriée pour le lobe frontal, la partie de notre cerveau dédié aux mouvements volontaires. Cela permet à la partie la plus évoluée et la plus « humaine » de notre cerveau de rester active et de permettre à la pensée rationnelle de prévaloir. Les neuroscientifiques nomment généralement ce chemin neurologique la « voie longue » (Ledoux, 2004 : 212-214). Une autre voie neurologique existe également. Dans des scénarios plus spontanés si le cerveau perçoit le stimulus comme étant trop urgent le message de menace reçu par le thalamus est immédiatement redirigé vers la section du cerveau connue sous le nom d’amygdale [ou complexe amygdalien n.d.t]. Dans ces conditions le lobe frontal, siège de la pensée rationnelle est complètement exclu du processus. Au lieu de cela l’amygdale répond instantanément dans ce qui communément appelée la réaction d’alarme [également appelée phase de choc n.d.t]. Il s’agit de tout réflexe automatique destiné à protéger le corps de tout danger soudain. Cette réaction d’alarme consiste par exemple à retirer votre main d’une source de chaleur, d’éternuer pour chasser des particules étrangères de vos voies respiratoires ou de cligner des paupières pour protéger vos yeux. Les neuroscientifique désigne cette seconde réaction de protection « la voie courte » (Ledoux, 2002, 212-214; Ledoux, 2004). Au départ cela peut sembler redondant, voir inutile de développer deux systèmes de réponses distincts dans notre corps mais comme l’explique le chercheur Doug Holt les deux répondent à un objectif valable. La voie courte fonctionne comme un filet de sécurité qui prend le relai du contrôle cognitif dans les situations de surprise. Ce réflexe sacrifie le détail et la précision en faveur du temps de réaction le plus court possible. Selon les mots du docteur Ledoux « il vaut mieux prendre un bâton pour un serpent qu’un serpent pour un bâton ». Si le cerveau détermine qu’il bénéficie d’un temps de réponse suffisant la recherche a montré que le signal progressera jusqu’au lobe frontal, la pensée rationnelle sera active et les actions seront menées par le lobe frontal. Le seul problème avec cette double réponse selon Holt viens du fait que la connexion du cortex vers l’amygdale et moins bien développé que celle qui mène de l’amygdale vers le cortex. Cela signifie que les réflexes liés à la voie courte auront plus d’influence sur le cortex que l’inverse. Une fois que la réaction d’alarme est déclenchée il est très difficile de la court-circuiter (Holt 2004).
Comprendre le stress du combat
Nous sommes nombreux à avoir été élevé dans le mythe que dans les situations extrêmes les humains se comportent de façon extraordinaire. Si cela peut-être vrai d’un point de vue spirituel ou moral d’un point de vu strictement physique la réalité est tout autre : le stress affaiblit et détériore nos performances. Des études ont démontré en particulier que le stress lié au combat déclenche notre mécanisme de survie le plus basique : la réaction de lutte ou de fuite. Découverte par un physiologiste d’Harvard, Walter Cannon, en 1911 cette réaction se déclenche lorsque notre cerveau perçoit une menace, qu’elle soit réelle ou imaginaire, indiquant à diverses glandes de déverser des substances chimiques et des hormones en grande quantité dans notre flux sanguin (Cannon, 1911; Ledoux : 212-214).
Alors que l’adrénaline et le cortisol se répandent dans notre corps, ce dernier atteint un niveau de vigilance maximum. De nombreuses fonctions corporelles sont donc priorisées : notre champ de vision se réduit afin de réduire les risques de distraction et notre vision s’intensifie pour repérer des ennemis potentiels dans notre environnement immédiat. Les fonctions secondaires comme les pulsions sexuelles ou la digestion sont temporairement court-circuitées. Le flux sanguin vers les extrémités est diminué afin de réduire le risque de perte de sang en cas de blessures et redirigé vers les grands groupes musculaires afin de nous permettre de lutter ou de fuir avec plus d’énergie. Des millions de cellules nerveuses s’activent en une fraction de seconde, armant toutes notre « arsenal » corporel, nous permettant de courir plus vite, de frapper plus fort et de supporter davantage de douleur (Shillingford, 2000:18).
La réponse d’alarme peut-être déclenchée chaque fois que nous percevons une menace, l’éventail est large : des tremblements du combattant qui va entrer dans le ring jusqu’à des actions purement réflexes comme la fermeture des voies respiratoires pour stopper l’arrivée de l’eau (un réflexe connu sous le nom de laryngospasme) en cas de noyade. Du point de vue du combat , quelque soit l’art martial ou le sport de combat que vous pratiquez, si votre cerveau trouve qu’un stimulus est suffisamment urgent votre réaction d’alarme prendra le dessus. La question reste donc :
• Que peut-on faire pour diriger ou améliorer la réponse « voie courte » contenue dans notre réaction d’alarme ?
• Que peut-on faire pour maintenir une « voie longue » des fonctions du cerveau afin d’empêcher le déclenchement d’une voie courte ?
[ou : comment ne pas chier dans son froc ou arracher la glotte de quelqu'un dés qu'on voit un couteau n.d.t]
Intégrer la réaction d’alarme dans l’entrainement au combat
Les chercheurs militaires du 20ème siècle ont rapidement saisi que même si la réaction d’alarme avait des effets débilitant, en limitant notre pensée rationnelle et les mouvements des moteurs musculaires fins, elle répondait à un besoin de survie qui a permis à notre espèce de rester en vie pendant des millénaires. Les chercheurs militaires occidentaux ont donc lancé un mouvement conduisant à une simplification des techniques de combat. Les mouvements faisant appel aux groupes musculaires les plus importants, comme les mouvements de défense très large ou les frappes « massues » ont remplacés les techniques plus complexes. Les méthodes d’entrainement occidentales ont donc renforcé l’usage de mouvements universels ou « réutilisables » : ils pouvaient être utilisés contre toute une variété de menaces sans nécessiter de modifications. Par exemple un mouvement circulaire du bras était utilisé aussi bien pour rediriger un coup de pied ou un coup de poing que pour frapper un membre, le torse ou tenter une désarme. Le soldat s’habituant à réagir dans des conditions extrêmes, la probabilité d’être « paralysé par la peur » diminuait drastiquement (Shillingford, 2000 : 18 ; 41-43).
Un des pionniers de l’armée américaine dans ce domaine, le Colonel Rex Applegate et son ouvrage fondateur « Tuer ou être tué » écrivait : « l’expérience militaire, au combat et dans les centre d’entrainement du monde entier ont montré qu’un homme ordinaire peut rapidement être transformé en un combattant offensif et dangereux en se concentrant sur quelques principes de base du combat et en mettant en avant les frappes réalisées avec les mains, les pieds et d’autres parties du corps. » (Applegate, 1976:4).
Au-delà de la simplification des techniques, les entraîneurs militaires du siècle dernier ont aussi beaucoup expérimenté le conditionnement de réflexes dans notre corps via un entrainement fondé sur le couple « stimulus-réponse ». Pour simplifier, cet entrainement implique de créer pour un stimulus particulier une réponse spécifique. Nous sommes sommes tous familier avec l’exemple classique du chien de Pavlov. Une clochette sonnait chaque fois que le chien était nourrit. Au bout d’un moment le chien associa le son de la clochette à la nourriture au point qu’il se mettait à saliver dés qu’il l’entendait.
Un autre exemple d’entrainement de ce type sont les exercices d’incendies. La plupart d’entre nous ont été conditionné pour se mettre en ligne et évacuer les lieux dés que l’alarme incendie retentissait [c'est sur qu'en France nous sommes moins nombreux à partager ce souvenir vu la sécurité de nos écoles... n.d.t]. En maintenant un lien clair entre le stimulus et la réponse demandée et en l’associant à la répétition il devient possible de littéralement reprogrammer nos réflexes. En fait, la recherche a démontré qu’une exposition répétée à un stimulus précis, aussi intimidant qu’il puisse être est capable d’éliminer l’anxiété qui lui est reliée (Ornstein, 1991:p92). En d’autres termes : la familiarité élimine la peur. Les militaires ont perfectionné cette forme de conditionnement depuis le début du 20ème siècle . Les simulateurs de vols, le tir sportif, les parties de paintball et les FPS [First Person Shooters : jeu de tir à la première personnes sur consoles et PCs n.d.t] sont d’excellent exemples d’entrainement stimulus-réponse moderne.
Un des experts mondiaux [selon son éditeur tout du moins, je me méfie des experts auto-proclamés n.d.t] sur le conditionnement dans l’entraînement militaire est le Lieutenant Colonel David Grossman (U.S army, à la retraite). Un ancien ranger et professeur de psychologie à Westpoint, Grossman est l’auteur de « On killing, le coût Psychologique de l’apprentissage à tuer en guerre et dans la société » et parle beaucoup des effets des médias sur l’entretien d’attitudes violentes. Grossman note que les humains, comme la plupart des espèces sur la planète ont une aversion naturelle au meurtre d’un membre de leur propre espèce. Il s’agit d’un des effets d’une évolution réussie puisque les espèces capables de se regrouper pour combattre leurs prédateurs ont plus de chance de survivre que celles qui ont une tendance à s’entretuer. Grossman cite les travaux de Konrad Lorenz où il note que lorsque des animaux dotés de bois ou de cornes s’affrontent ils le font cornes contre cornes de façon inoffensive alors que lorsqu’ils affrontent d’autres espèces il tentent de passer sur le côté pour les éventrer. Les piranhas planteront leurs dents dans tout ce qui se présentent mais ils ne font que « lutter » avec leurs congénères. Pratiquement chaque espèce à une répulsion innée au meurtre de ses congénères (Grossman, 1996:6).
A première vue, la plupart de nos lecteurs pourraient mettre en question l’existence de cet interdit. La simple quantité de violence visible au journal télévisé impliquerait plutôt l’inverse. Pourtant cet inhibition a été largement documentée et étudiée. Dans son livre « The Code of the Warrior », Rick Field cite de nombreux rapports sur des guerres tribales qui illustrent comment les cultures traditionnelles renâcle à se blesser, même au cours d’un conflit. Il suggère que cela est dû à leur connexion plus intime avec le cycle de la vie et un sens aigu de leur propre mortalité qui fait que leur utilisation de méthodes plus létales est restreinte. Si la guerre et les conflits violents ont souvent servis, selon l’expression de Field, « d’antidote culturel » aux problèmes sociaux et parfois à garantir un équilibre écologique via un contrôle de la population, elle est rapidement devenue dépassée et inutile. (Field, 1991:24-27). William Ury, le directeur du Global Negotiation Project d’Harvard et un expert reconnu en négociations fait écho à ces découvertes et note que les « preuves » historiques démontrant la « barbarie » de notre espèce ont été vues au travers du prisme de nos préjugés (Ury,2002:11-18). Nous partons du principe que nos ancêtres étaient plus violent parce qu’ils étaient plus primitifs mais la réalité est que la grande majorité des humains ne désire pas blesser ses congénères. Plus loin dans cet article j’aborderais le danger inhérent aux méthodes de conditionnement modernes qui cherchent à faire sauter cette « sécurité » et je tenterais de montrer comment la volonté latente de blesser des membres de notre propre espèce vient des méthodes de conditionnement propres à nos médias de masse.
(Partie I&II) Publié le 05/05/2011 par alexandresystema
par Kevin Secours Source : Integrated Fighting Systems
Traduit par Alexandre Jeannette
Introduction
Au cours des vingt cinq dernières années plus de choses ont été comprises sur le cerveau humain que dans toute l’histoire humaine. De nouvelles découvertes sur les processus d’apprentissage, des recherches sur la survie en situation violente et des études sur les effets psychopathologiques liés au fait de blesser des membres de notre propre espèce ont modifié la manière dont est maintenant perçu l’entrainement pour le combat.
La naissance des arts martiaux russes
Les arts martiaux de l’ancienne Russie ont été forgés dans les feux de l’adversité, dans une terre vaste et inhospitalière à la géographie et aux climats variés. Trouvant leurs racines plusieurs millénaires avant la naissance du Christ, les premières incarnations [de ces arts n.d.t] ont existé comme autant de pratiques éparses parmi les communautés guerrières Slaves. Au début du VIe siècle de nombreux ennemis ont commencé à assiéger les frontières russes, provoquant une évolution dans le développement de ces arts. Parmi les envahisseurs les plus notables, Bata Khan mena en 1237 une occupation de la Russie qui dura jusqu’à la fin du XVe siècle, sensibilisant les premiers guerriers à de nouvelles stratégies militaires et de nouvelles armes (Shillingford, 2000:21). Les premiers maitres russes apprirent une vérité toute simple au cours de ces altercations : un combat est une situation chaotique qui implique un nombre infinis de défis et d’opportunités. La manière la plus efficace de préparer un individu à survivre ne peut se faire qu’en développant son adaptabilité, sa créativité et son autonomie. Puisqu’il n’y avait aucun moyen de prévoir comment un ennemi allait attaquer il ne pouvait pas exister une technique ou un style qui pourrait garantir la survie (Vasiliev, 1997, p14). L’absence d’une armée au sens propre renforça ce besoin d’adaptabilité. Les guerriers étaient des « civils » et ces combattants avaient besoin d’un art facile à apprendre et qui ne les détournerais pas de leurs tâches quotidiennes, qu’ils soient fermiers, chasseurs ou marchands. Le résultat fut une emphase sur les mouvements naturels du corps plutôt que sur des formes plus complexes ou la mémorisation. La géographie joua également un rôle majeur en termes biophysique en renforçant les mouvements naturel. Alors qu’à la même époque les artistes martiaux orientaux tendaient à employer des postures qui étaient plus fixes et stables, en réponse aux terrains montagneux où ils étaient nés, les guerriers Russes était plus vifs et irréguliers dans leurs mouvements. De plus, l’importance sociale des positions accroupies et à genoux en Orient nourrirent une perception différente du centre du centre du corps en le plaçant juste sous le nombril. En comparaison, les conditions en Europe demandaient moins de stabilité. La perception de ce centre de gravité à un point plus élevé, oscillant entre la base du nombril et le plexus (que les russes nomment « centre de gravité flottant ») encourageait des mouvements pendulaires du torse avec un déplacement proche de celui que l’on peut trouver dans le patin à glace (Vasiliev 1997:7, 15-17). Le but des arts martiaux Russes a toujours été de maximiser sa biomécanique au dépend de celle de son agresseur. Guidé par ce simple objectif ces arts ont continué à évoluer au cours des générations, passant de père en fils, empruntant aussi bien à ses voisins qu’à ses ennemis (Vasiliev, 1997:17). Leur histoire connue un nouveau tournant en 1917, quand le gouvernement Communiste tout juste installé interdit publiquement la pratique de tous les arts martiaux traditionnels dans l’espoir d’éliminer les racines du nationalisme au sein de son peuple. En dehors de ces efforts publics le gouvernement ne pouvait nier l’efficacité brute des styles de combat nationaux. En secret ils travaillèrent à assimiler les diverses traditions culturelles dans un unique style hybride. En 1918 Lénine fonda une organisation dirigée par le camarade Vorosilov afin de rechercher et d’expérimenter avec les arts martiaux russes et étrangers. A cette fin, des équipes d’investigateurs parcoururent le monde pendant que le gouvernement dévouait sans relâche ses efforts à tester et raffiner son savoir traditionnel, augmentant son efficacité en incluant l’usage d’armes et de tactiques modernes. Au bout du compte, plus de 25 styles de combats à mains nues russes furent intégrés dans un art hybride et réservé exclusivement à l’élite de la Voiska Spetsialnogo Naznachenia, les forces spéciales russes dites « Spetsnaz ». C’est dans l’arène du monde réel que la puissance des anciennes traditions du combat russe fut de nouveau connue du monde. Ses pratiquants nommaient cet art hybride le « Systema » ou Système (Shillingford, 200:21).
La science de la survie
Nous sommes conçus pour survivre. L’évolution a ancré en nous un système de protection personnel complexe qui nous accompagne partout. La fonction de ce système réflexe dépend de notre perception d’une menace donnée. Même si nous savons désormais beaucoup choses sur les effets de la peur nous en savons peu sur ses origines. Un des pionniers de la recherche sur les causes de la peur, le Docteur Joseph Ledoux de l’université de New York, nous dit que la peur suit un circuit neurologique. Les stimuli de la peur sont absorbés via les yeux, les oreilles et les autres organes sensoriels qui envoient cette information à la partie du cerveau connue sous le nom de thalamus. Là, s’il dispose du temps nécessaire, le cerveau créé rapidement une image de la menace dans notre esprit, interprète cette image et produit une réponse appropriée pour le lobe frontal, la partie de notre cerveau dédié aux mouvements volontaires. Cela permet à la partie la plus évoluée et la plus « humaine » de notre cerveau de rester active et de permettre à la pensée rationnelle de prévaloir. Les neuroscientifiques nomment généralement ce chemin neurologique la « voie longue » (Ledoux, 2004 : 212-214). Une autre voie neurologique existe également. Dans des scénarios plus spontanés si le cerveau perçoit le stimulus comme étant trop urgent le message de menace reçu par le thalamus est immédiatement redirigé vers la section du cerveau connue sous le nom d’amygdale [ou complexe amygdalien n.d.t]. Dans ces conditions le lobe frontal, siège de la pensée rationnelle est complètement exclu du processus. Au lieu de cela l’amygdale répond instantanément dans ce qui communément appelée la réaction d’alarme [également appelée phase de choc n.d.t]. Il s’agit de tout réflexe automatique destiné à protéger le corps de tout danger soudain. Cette réaction d’alarme consiste par exemple à retirer votre main d’une source de chaleur, d’éternuer pour chasser des particules étrangères de vos voies respiratoires ou de cligner des paupières pour protéger vos yeux. Les neuroscientifique désigne cette seconde réaction de protection « la voie courte » (Ledoux, 2002, 212-214; Ledoux, 2004). Au départ cela peut sembler redondant, voir inutile de développer deux systèmes de réponses distincts dans notre corps mais comme l’explique le chercheur Doug Holt les deux répondent à un objectif valable. La voie courte fonctionne comme un filet de sécurité qui prend le relai du contrôle cognitif dans les situations de surprise. Ce réflexe sacrifie le détail et la précision en faveur du temps de réaction le plus court possible. Selon les mots du docteur Ledoux « il vaut mieux prendre un bâton pour un serpent qu’un serpent pour un bâton ». Si le cerveau détermine qu’il bénéficie d’un temps de réponse suffisant la recherche a montré que le signal progressera jusqu’au lobe frontal, la pensée rationnelle sera active et les actions seront menées par le lobe frontal. Le seul problème avec cette double réponse selon Holt viens du fait que la connexion du cortex vers l’amygdale et moins bien développé que celle qui mène de l’amygdale vers le cortex. Cela signifie que les réflexes liés à la voie courte auront plus d’influence sur le cortex que l’inverse. Une fois que la réaction d’alarme est déclenchée il est très difficile de la court-circuiter (Holt 2004).
Comprendre le stress du combat
Nous sommes nombreux à avoir été élevé dans le mythe que dans les situations extrêmes les humains se comportent de façon extraordinaire. Si cela peut-être vrai d’un point de vue spirituel ou moral d’un point de vu strictement physique la réalité est tout autre : le stress affaiblit et détériore nos performances. Des études ont démontré en particulier que le stress lié au combat déclenche notre mécanisme de survie le plus basique : la réaction de lutte ou de fuite. Découverte par un physiologiste d’Harvard, Walter Cannon, en 1911 cette réaction se déclenche lorsque notre cerveau perçoit une menace, qu’elle soit réelle ou imaginaire, indiquant à diverses glandes de déverser des substances chimiques et des hormones en grande quantité dans notre flux sanguin (Cannon, 1911; Ledoux : 212-214).
Alors que l’adrénaline et le cortisol se répandent dans notre corps, ce dernier atteint un niveau de vigilance maximum. De nombreuses fonctions corporelles sont donc priorisées : notre champ de vision se réduit afin de réduire les risques de distraction et notre vision s’intensifie pour repérer des ennemis potentiels dans notre environnement immédiat. Les fonctions secondaires comme les pulsions sexuelles ou la digestion sont temporairement court-circuitées. Le flux sanguin vers les extrémités est diminué afin de réduire le risque de perte de sang en cas de blessures et redirigé vers les grands groupes musculaires afin de nous permettre de lutter ou de fuir avec plus d’énergie. Des millions de cellules nerveuses s’activent en une fraction de seconde, armant toutes notre « arsenal » corporel, nous permettant de courir plus vite, de frapper plus fort et de supporter davantage de douleur (Shillingford, 2000:18).
La réponse d’alarme peut-être déclenchée chaque fois que nous percevons une menace, l’éventail est large : des tremblements du combattant qui va entrer dans le ring jusqu’à des actions purement réflexes comme la fermeture des voies respiratoires pour stopper l’arrivée de l’eau (un réflexe connu sous le nom de laryngospasme) en cas de noyade. Du point de vue du combat , quelque soit l’art martial ou le sport de combat que vous pratiquez, si votre cerveau trouve qu’un stimulus est suffisamment urgent votre réaction d’alarme prendra le dessus. La question reste donc :
• Que peut-on faire pour diriger ou améliorer la réponse « voie courte » contenue dans notre réaction d’alarme ?
• Que peut-on faire pour maintenir une « voie longue » des fonctions du cerveau afin d’empêcher le déclenchement d’une voie courte ?
[ou : comment ne pas chier dans son froc ou arracher la glotte de quelqu'un dés qu'on voit un couteau n.d.t]
Intégrer la réaction d’alarme dans l’entrainement au combat
Les chercheurs militaires du 20ème siècle ont rapidement saisi que même si la réaction d’alarme avait des effets débilitant, en limitant notre pensée rationnelle et les mouvements des moteurs musculaires fins, elle répondait à un besoin de survie qui a permis à notre espèce de rester en vie pendant des millénaires. Les chercheurs militaires occidentaux ont donc lancé un mouvement conduisant à une simplification des techniques de combat. Les mouvements faisant appel aux groupes musculaires les plus importants, comme les mouvements de défense très large ou les frappes « massues » ont remplacés les techniques plus complexes. Les méthodes d’entrainement occidentales ont donc renforcé l’usage de mouvements universels ou « réutilisables » : ils pouvaient être utilisés contre toute une variété de menaces sans nécessiter de modifications. Par exemple un mouvement circulaire du bras était utilisé aussi bien pour rediriger un coup de pied ou un coup de poing que pour frapper un membre, le torse ou tenter une désarme. Le soldat s’habituant à réagir dans des conditions extrêmes, la probabilité d’être « paralysé par la peur » diminuait drastiquement (Shillingford, 2000 : 18 ; 41-43).
Un des pionniers de l’armée américaine dans ce domaine, le Colonel Rex Applegate et son ouvrage fondateur « Tuer ou être tué » écrivait : « l’expérience militaire, au combat et dans les centre d’entrainement du monde entier ont montré qu’un homme ordinaire peut rapidement être transformé en un combattant offensif et dangereux en se concentrant sur quelques principes de base du combat et en mettant en avant les frappes réalisées avec les mains, les pieds et d’autres parties du corps. » (Applegate, 1976:4).
Au-delà de la simplification des techniques, les entraîneurs militaires du siècle dernier ont aussi beaucoup expérimenté le conditionnement de réflexes dans notre corps via un entrainement fondé sur le couple « stimulus-réponse ». Pour simplifier, cet entrainement implique de créer pour un stimulus particulier une réponse spécifique. Nous sommes sommes tous familier avec l’exemple classique du chien de Pavlov. Une clochette sonnait chaque fois que le chien était nourrit. Au bout d’un moment le chien associa le son de la clochette à la nourriture au point qu’il se mettait à saliver dés qu’il l’entendait.
Un autre exemple d’entrainement de ce type sont les exercices d’incendies. La plupart d’entre nous ont été conditionné pour se mettre en ligne et évacuer les lieux dés que l’alarme incendie retentissait [c'est sur qu'en France nous sommes moins nombreux à partager ce souvenir vu la sécurité de nos écoles... n.d.t]. En maintenant un lien clair entre le stimulus et la réponse demandée et en l’associant à la répétition il devient possible de littéralement reprogrammer nos réflexes. En fait, la recherche a démontré qu’une exposition répétée à un stimulus précis, aussi intimidant qu’il puisse être est capable d’éliminer l’anxiété qui lui est reliée (Ornstein, 1991:p92). En d’autres termes : la familiarité élimine la peur. Les militaires ont perfectionné cette forme de conditionnement depuis le début du 20ème siècle . Les simulateurs de vols, le tir sportif, les parties de paintball et les FPS [First Person Shooters : jeu de tir à la première personnes sur consoles et PCs n.d.t] sont d’excellent exemples d’entrainement stimulus-réponse moderne.
Un des experts mondiaux [selon son éditeur tout du moins, je me méfie des experts auto-proclamés n.d.t] sur le conditionnement dans l’entraînement militaire est le Lieutenant Colonel David Grossman (U.S army, à la retraite). Un ancien ranger et professeur de psychologie à Westpoint, Grossman est l’auteur de « On killing, le coût Psychologique de l’apprentissage à tuer en guerre et dans la société » et parle beaucoup des effets des médias sur l’entretien d’attitudes violentes. Grossman note que les humains, comme la plupart des espèces sur la planète ont une aversion naturelle au meurtre d’un membre de leur propre espèce. Il s’agit d’un des effets d’une évolution réussie puisque les espèces capables de se regrouper pour combattre leurs prédateurs ont plus de chance de survivre que celles qui ont une tendance à s’entretuer. Grossman cite les travaux de Konrad Lorenz où il note que lorsque des animaux dotés de bois ou de cornes s’affrontent ils le font cornes contre cornes de façon inoffensive alors que lorsqu’ils affrontent d’autres espèces il tentent de passer sur le côté pour les éventrer. Les piranhas planteront leurs dents dans tout ce qui se présentent mais ils ne font que « lutter » avec leurs congénères. Pratiquement chaque espèce à une répulsion innée au meurtre de ses congénères (Grossman, 1996:6).
A première vue, la plupart de nos lecteurs pourraient mettre en question l’existence de cet interdit. La simple quantité de violence visible au journal télévisé impliquerait plutôt l’inverse. Pourtant cet inhibition a été largement documentée et étudiée. Dans son livre « The Code of the Warrior », Rick Field cite de nombreux rapports sur des guerres tribales qui illustrent comment les cultures traditionnelles renâcle à se blesser, même au cours d’un conflit. Il suggère que cela est dû à leur connexion plus intime avec le cycle de la vie et un sens aigu de leur propre mortalité qui fait que leur utilisation de méthodes plus létales est restreinte. Si la guerre et les conflits violents ont souvent servis, selon l’expression de Field, « d’antidote culturel » aux problèmes sociaux et parfois à garantir un équilibre écologique via un contrôle de la population, elle est rapidement devenue dépassée et inutile. (Field, 1991:24-27). William Ury, le directeur du Global Negotiation Project d’Harvard et un expert reconnu en négociations fait écho à ces découvertes et note que les « preuves » historiques démontrant la « barbarie » de notre espèce ont été vues au travers du prisme de nos préjugés (Ury,2002:11-18). Nous partons du principe que nos ancêtres étaient plus violent parce qu’ils étaient plus primitifs mais la réalité est que la grande majorité des humains ne désire pas blesser ses congénères. Plus loin dans cet article j’aborderais le danger inhérent aux méthodes de conditionnement modernes qui cherchent à faire sauter cette « sécurité » et je tenterais de montrer comment la volonté latente de blesser des membres de notre propre espèce vient des méthodes de conditionnement propres à nos médias de masse.